Toute saison a une fin et ce triste hiver
touche à sa fin, sous les premiers rayons du soleil
printanier. Un peu d’optimiste, de
légèreté, enfin. Du moins, est-ce ce
qu’on croit... Et puis, on pose le premier album de
Zéro Degré dans la platine. Play. Et
c’est la tristesse qui surgit. L’émotion
qui étreints. Des mots susurrés, des confidences,
des questions ("Est-ce que parfois, par temps de neige, tu penses
à moi ?", égrené la gorge
nouée, alors qu’une guitare
désolée flotte sur une rythmique au ralenti), il
ne faut guère plus de quelques minutes pour que
Zéro Degré s’immisce dans notre
intimité.
Depuis des années Nicolas
Tochet, bassiste de Melatonine (Décembre Est Un samedi -
2007), s’épanche en solitaire se livrant sans
pudeur, sans filet - même pas celui de recourir à
l’anglais. Non, Zéro Degré
s’exprime en français, choisissant ses mots dans
un chant lexical proche de celui de Novö ou Erik Arnaud. On
retrouve ici la tension du 1er album d’Encre avec
l’amplitude musicale d’Immune - pour rester dans
les références françaises mais on
pourrait citer ici aussi Arab Strap ou encore Mark Hollis, non pas pour
flatter outrancièrement le messin, juste pour bien signifier
la qualité du propos, planter le décor.
Forcément hivernal, le
décor. Ce qui est remarquable, outre
l’émotion ici dégagée,
c’est que Des Etoiles Plein Les Yeux n’a rien
d’un album éploré, d’un
exercice d’un dépressif replié sur
soit. Avec l’aide d’amis proches et
d’invités talentueux, notamment Angil qui chante
The Unsung Song, extraordinaire chanson digne de figurer sur Outside
Closer (avis aux fans de Hood donc) ou encore Chapelier Fou,
pensionnaire d’Ici D’Ailleurs, Zéro
Degré mélange les styles, injectant une dose
d’électronica à ces pièces
post-folk - ou inversement. C’est ainsi que Le Choix contient
une rythmique électronique dansante, en contrepoint de
cordes insistantes, alors que la voix reste en arrière,
désabusée. Ou encore, La Lie De La
Société, probablement le morceau le plus
enlevé de l’album, qui est orné
d’un habillage synthétique prenant le dessus sur
la mélodie. Ailleurs, c’est l’organique
qui prévaut : cordes frottées, corde
(vocale) nouée, guitares en mode mineure ou au contraire qui
s’embrasse comme sur le morceau de fin.
Œuvre poignante et irradiante,
Des Etoiles Plein Les Yeux bouleverse, avec ses phrases
définitives, ses mélodies vicieuses. Le ton est
juste, les mélodies renversantes. On regarde dehors... le
soleil brille mais une brise légère nous fait
frissonner.
Denis
De sa question inaugurale : "Plutôt que de recommencer la
même chose à chaque fois, pourquoi ne pas faire un
simple copier-coller, de nos gestes, de nos idées, qui de
toute façon ne changent pas ?", des étoiles plein
les yeux, le premier album de zéro degré (aussi
bassiste de Melatonine), porte doublement la marque.
Des boucles qui forment le fonds de ce disque.
Du spleen dans lequel se fond la forme de ce disque.
Entre post-rock et electronica. Quelque chose dans la voix. Et que
mettent en évidence, par contraste, les featurings. Simple
et maniérée à la fois. Tout aussi
agaçante que nécessaire. On entend par
là qu'elle dérange tout autant qu'elle
s'harmonise. Grésillement humain dans la
répétition machinique. Squelette autour duquel la
musique s'articule. Pas chantée, mais dite, la voix.
Par contraste. the unsung song le fait entendre, chanté lui,
quoi qu'il en dise, qui se présente, malgré
l'élaboration électronique, comme une forme plus
classique de chanson. Alors que, lui (lui, c'est-à-dire :
Nicolas Tochet), quand il parle, c'est tout le sens des
pièces qui s'en trouve affecté. La voix
parlée attire à elle, focalise et polarise. Sa
façon de répéter en boucle les
mêmes phrases, comme : "Tu crois vraiment que c'est ce qu'il
y a mieux à faire", inlassable, imperturbable aux variations
de la musique, qui va crescendo. Aussi, quand elle se tait, c'est
encore une affaire de contraste : laisser la musique seule
résonner, augmenter, s'emparer de l'espace sur ce rythme
lent avec ces lentes litanies de violon avec ces guitares qui croisent
les mêmes lignes et répéter encore la
même phrase au seuil de l'indistinction (une boule dans la
gorge).
Plus : la lie de la société qui, s'il n'est pas
un chef-d'œuvre, y ressemble beaucoup. Tempo
augmenté, version techno du reste du disque
élaborée à partir d'une
mélodie presque folk. Et toujours cette voix d'une constance
rare. Elle déclare, en son milieu : "Il arrive toujours un
moment où tu es sûr d'appartenir à la
lie de la société". Juste avant l'explosion.
Jérôme
Orsoni
Des nouvelles du petit mais au combien estimable label We Are Unique
Records avec zéro degré, un projet
mené par Nicolas Tochet (bassiste de Melatonine) autour
duquel viennent se blottir des gens comme Angil, Chapelier Fou ou
Cascadeur pour assurer les voix et le reste.
Avec ce premier album zéro degré nous plonge dans
un genre musical familier, entre machines et instruments traditionnels,
qui rappelle autant Hood et Arab Strap que, du
côté de chez nous, des gens comme Encre,
Jérôme Minière, Immune, le Dominique A
des débuts ou encore Diabologum et ses diverses
déclinaisons (Programme, etc..).
Construit à partir de boîtes à rythmes,
de boucles entêtantes, de bribes de voix timides, de fields
recordings, de sonorités cheap de synthés mais
aussi de guitares, de basses, de violons et violoncelles, les morceaux
se révèlent vite familiers et entêtants
pour notre plus grand plaisir.
Et peu importe si cet album laisse une impression de
déjà vu car il a le charme des choses
bricolées, faites à la maison... Un album
à la fois réussi et plein de petits
défauts mais qu’on n’
échangera pas contre un baril de Franz Ferdinand.
[8/10]
Benoît
Difficile de chroniquer ce très bon premier album de ZERO
DEGRE, projet
solo de Nicolas Tochet (bassiste de MELATONINE, tête pensante
du Kit,
du Bœuf Nocturne et de Kermetz). ‘tain
c’est tellement facile d’écrire
des phrases et de les publier ensuite ! Pardon, j’avais
promis de ne
pas digresser et de ne plus chercher noise… Bref, notre
grand barbu
aura mis le temps mais ça y est, son petit
bébé est bien là. Bel
artwork, simple mais pas simplet, à l’image de la
musique limpide
composée par le bonhomme. Une electro discrète et
éthérée ne manquant
jamais de relief et qui sait aussi bien se faire douce et souffreteuse
que dancefloor friendly. On pense forcément à
DIABOLOGUM et EXPERIENCE
la première fois, mais ces influences un peu lourdes
disparaissent
naturellement au profit d’une véritable
personnalité qui se dégage au
fil des écoutes, notamment grâce à la
voix particulière de Nico (et son
phrasé mélancolique) et à ses
mélodies douces-amères, entre ciel de
traîne et terre aride. Merde, Des Etoiles Plein les Yeux
auraient très
aisaiment pu sortir chez Anticon. Excellentes contributions de
CHAPELIER FOU, ANGIL (mon morceau
préféré) et CASCADEUR, sans oublier
les amiEs de toujours que sont Suzanne, Julien et Fabio.
J’imprime
leurs noms noir sur blanc, c’est volontaire, sans eux ce
disque ne
serait pas le même et je serai probablement le seul
à le faire. Les
journalistes de mes couilles vont quand même pas
s’embarrasser à citer
d’illustres inconnus dans leurs pages. La presse est morte.
Vive les
blogs.
Buddy Satan
Poésie. Projet
solo de Nicolas tochet, Zéro Degré est un
mélange de musique instrumentale atmosphérique et
de phrasés spoken words pour un disque
intimiste et troublant. Un mariage d'instruments acoustiques froids et
d'ordinateur chauffé au maximum qui conduit aussi bien vers
des mélodies électroniques et
épurées que du coté d'une postpop
savante et délicate. A la manière d'une voix of,
les paroles défilent comme nombre de thèmes
musicaux et s'installent dans le montage en copier-coller des beats et
des samplers. On a un peu froid au coté de Zéro
Degré, on se remet les idées en place afin de
s'attarder sur les étoiles, ces petites choses invisibles et
changeantes de la vie quotidienne auxquelles on ne fait plus attention.
7/10. SC.
Zéro Degré ou degré
zéro? De toute évidence, le premier
album solo de Nicolas Tochet (bassiste de Melatonine), sous l'alias
Zéro Degré, n'apporte rien de neuf aux
dépressions post-rock qu'il visite. S'il
rêve encore souvent de Hood ou Boards of Canada, la timide
complexité de ses arpèges acoustiques et ses
sentences fatiguées en spoken word nous renvoient sans cesse
à la chambrette un peu triste dont "des étoiles
plein les yeux" est l'encens sonore. Faute de moyens mais aussi
d'éclat mélodique, le disque installe un climat
d'ennui léger, que seule la présence d'une voix
étrangère (Angil sur The Unsung song, Cascadeur
sur Alone) parvient ça et là à
fissurer. De la nécessité de chauffage collectif
quand il fait Zéro Degré.
Michaël Patin
Note du label au
chroniqueur : Quand on ne comprend pas le propos d'un disque, il vaut
mieux s'abstenir de le chroniquer...
Depuis Massive Attack ou The Clash, dont le nom renfermait toute la
musique, peu de groupes ont mieux porté leur patronyme que
0°. Et encore – c'est les jours de canicule. Car il
fait franchement glagla dans ces chansons-banquises, étales
et givrées, belles comme ces documentaires sur Dutch Harbour
ou Terre Adélie que les insomniaques s'arrachent. A
0°, le Diabologum ne gèle heureusement pas : c'est
un aliment de base de Nicolas Tochet, héritier
effondré de cette glaciale méchanceté,
de ces désillusions cancéreuses. Mais
éponge de sons perturbés, de beats
cassés et de mélodies effilochées, il
s'est aussi goinfré de post-rock pour ses
mélodies lancinantes, d'électronica pour sa
mélancolie hypnotique, d'ambiant pour ses
mélopées désolées. Tout
ceci nous aménerait à un bon -25° s'il
n'y avait derrière chaque congère une vibrante
sensibilité pop qui, le pouls en apnée, vibre
pourtant – la présence d'Angil, voisin de label,
ou du concitoyen Cascadeur ne sont pas pour rien pour le
réchauffement de sa planète. C'est la force de
cet album horizontal : réussir, comme chez Arab Strap,
à faire résonner un cœur quand tout,
autour, n'est que terres brûlées,
gelées, deshumanisées. Son
précédent groupe s'appelait d'ailleurs
Melatonine, cette pilule miracle qui permet aux dépressifs
de retrouver le droit au rêve – même si,
souvent ici, en noir & blanc.
JD Beauvallet
C’est en "copier/coller" que l’on entre dans le
premier album des messins de Zero Degré dont on avait plus
de nouvelle depuis le premier Ep sorti en 2004. Une mise en bouche du
menu déroulant qui nous mène "en temps de neige"
avec une question que l’on s’est tous
(forcément) posé un jour ou l’autre :
Est-ce que parfois par temps de neige, tu penses à moi ? La
mélancolie ici convoque des paysages gris/blanc à
l’horizon et au ciel qui se confondent. La lenteur de la
guitare, le phrasé qui la suit, poétisent ce
morceau aux soubresauts électroniques lointains. Quant
à "le choix", ce sont ses paroles énigmatiques
alliées au violon strident qui en font un morceau
d’une évolution et d’une force
poignante. Ce premier véritable album ne pouvait pas faire
l’économie du morceau "les écrans",
déjà présent sur leur Ep peu connu du
public. Des étoiles plein les yeux est une histoire de
rencontres puisqu’au côté du copain
d’écurie Angil, on retrouve les valeurs locales
(messines) incontournables que sont Chapelier fou (sur "une boule dans
la gorge") et Cascadeur (Alone). Cette belle palette de talents apporte
indéniablement force et densité.
L’humain, dans les paroles de Zero Degré, est
évoqué dans une représentation
décharnée (la présence virtuelle dans
les écrans, l’absence dans "le choix" et "par
temps de neige"), mais aussi désabusée ("nos
espoirs"), renvoyant au processus d’écriture
même : peu de mots et un postulat de
répétition des phrases. Ce qui peut rendre
intrigant le propos comme sur "des étoiles plein les yeux".
Au final, un disque juste, en adéquation avec son
époque, et qui ne tardera pas à trouver un
écho tant médiatique que public.
Véronique
Doussot
Dans une récente interview, Dominique A, agacé
par la pléthore de groupes folks actuels, disait que l'on
confondait tradition et authenticité et que des machines
pouvaient se révéler être authentiques
et émouvantes. Avec Zéro Degré, ce
même sentiment émerge d'une musique
éminemment personnelle. Dans ce disque intimiste,
s’exprime en creux et avec une fausse froideur, une
poésie touchante. Un mot que l’on
n’emploie que rarement quand il s’agit de musique
électronique. Pourtant tout au long de l’album,
celle-ci est bien et bien palpable sur un choix sonore ou dans un
texte. « Parfois, par temps de neige, tu penses à
moi » répète-t-il sur un lit de
guitares irradiant de lumière. Zéro
Degré, c'est un peu le jardin secret de Nicolas Tochet,
bassiste du trio rock instrumental Mélatonine. Ce projet
solo lui permet de s'exprimer en français et avec une
guitare. En tout cas, au début car sur cette base de
songwriter, Tochet rajoute sa petite préparation personnelle
faîte de machines, de programmations, de samples. Le Messin
est malin et met en exergue de son album la phrase suivante
"plutôt que de recommencer la même chose
à chaque fois, pourquoi ne pas un simple copier, coller, de
nos gestes, de nos idées, qui de toute façon ne
changent pas...". D’un coup d’un seul, il avoue son
intérêt pour Diabologum (qui aurait pu
écrire une telle formule) pour une faute avouée
à moitié pardonnée et il pare aussi le
reproche que certains pourront lui faire qualifiant sa musique de
répétitive.
C’est d’ailleurs là tout
l’art de Zéro Degré, celui de faire
tourner des boucles, y rajouter des strates, en enlever, rajouter
encore, parasiter une mélodie qui s’installe,
éclairer une frise d’un ajout qui rehausse
subitement un froid ron-ron. Le travail vaut autant du sculpteur ou du
plasticien que du musicien. Quelque part, il propose une nouvelle voie
possible d’une chanson française
électronica et pointilliste en cousin de
Jérôme Minière. Il chante
d’ailleurs avec une même voix
étouffée. Avec se moyens limités et un
spectre étroit, Zéro Degré explore
quand même plusieurs directions et fait un album moins
homogène qu’il n’y paraît au
premier abord. Il faut dire que son statut de solitaire lui permet
aussi de s’entourer quand il le désire et donc de
tirer le meilleur parti d’amis invités. De fait sa
rencontre avec Angil aboutit à The unsung heroes
où les univers des deux artistes se fond en un titre
poignant de beauté. Chapelier fou apporte son violon
déglingué sur le choix pour une musique de
chambre au bord du précipice et co-écrit Une
boule dans la gorge pour un romantisme fin de siècle.
Zéro Degré explore alors des territoires
inconnus. Avec Cascadeur, Alone ressemble à du trip hop
né dans un grenier au milieu de vieux instruments. Il y a
bel et bien là matière à avoir des
émotions bien humaines et même charnelles : devant
un Tochet triturant en tout sens ses filtres et potards, on se prend
même à commencer à bouger en clone de
Krafwerk ou Tarwater (La lie de la société).
Parfois, par temps de neige, je penserai à Zéro
degré. Pendant longtemps, c’est
sûr…
Denis Zorgniotti
Zéro Degré, c'est le projet solo de Nicolas
Tochet, le bassiste du groupe de post-rock Melatonine et, comme tout
projet solo qui se respecte, il se démarque assez
singulièrement de son groupe d'origine. Il passe tout du
moins d'un groupe qui fait pas mal de bruit à un univers
électronique assez calme et minimaliste. Le fondement de sa
musique, c'est donc l'utilisation d'une électronique assez
mélodique, enveloppante et bien souvent captivante ; sur ce
fondement, il pose une voix disant plus qu'elle ne chante des paroles
(en français) qui, certes, ne respirent pas la joie de vivre
mais collent plutôt bien avec les ambiances
installées. Tochet aborde en quelques mots les
thèmes de la perte, du renoncement, de l'oubli.
Je ne vais pas vous cacher que ce disque fait débat au sein
de la rédaction de POPnews. Alors, oui, cette introduction
(une phrase copiée/collée et passée en
boucle) peut déstabiliser ; oui, on peut s'agacer de cette
voix et de son discours intello-dépressif ; oui, on peut
rester froid à ces morceaux qui ne font pas grand chose pour
nous réchauffer. Mais finalement, ce n'est pas du tout ce
que j'en retiens : on se laisse happer par cette musique souvent plus
accidentée qu'elle n'y paraît, par ces
répétitions hypnotiques, par ces
montées en tension (le post-rock n'est pas si loin)
où des cordes s'insinuent parfois ou dans lesquelles des
percussions viennent s'écraser. Et à
l'écoute de Zéro Degré,
plutôt que de songer à la famille Diabologum
(souvent évoquée), on a envie de penser aux
(excellents) Italiens de Port-Royal et leur
électro-post-rock mélancolique (bien qu'un peu
plus joyeux). Qui plus est, Tochet réussit à
s'entourer de quelques talentueux collaborateurs qui viennent donner
à certains morceaux un peu de leurs propres couleurs
(même si, encore une fois, on reste plutôt dans la
mélancolie). Quelques touches de couleurs sur le bleu-gris
d'un disque qui ressemble à la banquise : froid, oui, mais
aussi fragile et précieux.
Christophe Dufeu