RAYMONDE HOWARD
UR23 - 2010, creative commons nc nd by
1 | the naked line |
---|---|
2 | the sculptress |
3 | stay with me |
4 | the raincoats are here |
5 | song to shoot him |
6 | who's got the girls? |
7 | Great minds think alike |
8 | almost go unnoticed |
Outre ce nom de plume, son laconisme, sa jeunesse (28), sa mine, sa dualité singulière (Dr Jekyll prof le jour & Mrs Hyde riot girl anglophone la nuit), le manifeste de la dame a huit qualités : sous forme de huit piécettes au minimalisme guitare-voix rythmé si monocorde qu’on pourrait dire les huit égaux à un. Ce qui serait aussi hâtif que de juger Brassens ou Cohen réductibles à une «petite chanson».Aussi vain que de trouver redondante la «musique répétitive» (Einstein on The Beach), en descendance de Boléro, Diddley beat ou Radioactivity.
Divagantes et pincées ensemble, de «boucles» de guitare un rien twist au léger artysme (pochette conceptuelle à pieds en plongée orange sur jupe - ou jean), relevées de lignes de fuite de basse, les compositions toniques de Laetitia Howard ont une manière maison futée de faire couiner en fine dissonance ses sons de guitare cerclés. Genre de twang cosy ajoutant une nuance de manie rockab au tic chic sédatif.
Cocon. Laetitia Howard bricole des chansons comme des petites boîtes, à cubes ou poupées, russes, embobinant noms, langues et chambres d’écho telles qu’en ouvrent les Merveilles autistiques d’Alice. Elle y loge sa voix, tour à tour miaulée, soufflée, mordante, en cocon dodelinant, duvet de Boucle d’or du loop (boucle sonore), ses airs (de ne pas avoir l’air) sur «boîte à rythme cheap, guitare électrique, ukulélé», ses bribes mélodiques, yo-yo d’arpèges ou houla-hoop rythmique - tempo rock d’ensemble médium précipitant cinquante-six secondes sur Song to Shoot Him (où passe le mot «suicide») -, ou bien reposant avec Almost Go Unnoticed (3 mn 09) en envoi.
Les plus typiques et tubesques de la brève huitaine au menu (4 mn 23, la plus longue) pourraient être The Raincoats Are Here (2 mn 50) ou Stay With Me (3 mn 21) ; les plus «chansons» Who’s Got The Girls (3 mn 13) et Great Minds Think Alike («les grands esprits se rencontrent» ?), point d’orgue du minirécital (25 mn) en ronde chorale de re-re suivant l’idée fixe-gamme-slogan «fuck (you)» assortie de gimmick pop en table de cinq notes.
On peut penser art contemporain. Ondulatoires, concept, gammes, installation, thème et variations, Laurie Anderson, permutation-commutation, ondes, «carnet d’idées» à la Sophie Calle, Rothko fredonné allégé, nursery-rhymes, lo-fi filles, aléatoires glossolaliques. On peut juste jouer à passer et repasser les «abolis bibelots d’inanité sonore» d’agrément de Raymonde Howard - comme l’acteur bizarre Daniel Day Lewis coud des galoches entre ses tournages pour se changer les idées.
La deuxième variante combinatoire de la série, The Sculptress (1 mn 25), propose comme une interprétation esthétique : sculptures sonores, mobiles, multiples.
Bruno Bayon
Attention, osni et coup de coeur! Qui a dit qu’une fille à gratte devait sagement balancer une gentille guimauve folk? Certainement pas Raymonde Howard qui avec son album « For all the bruises, black eyes and peas » qui sort chez l’enthousiasmant label « We are unique Records« et vient souffler le chaud et le froid sur certains a priori et titiler nos oreilles en mal de sensations et d’émotions fortes.
Baignée dans des influences punk/noise, Laëtitia Fournier développe dans ce side project dont c’est le second album, une face plus intimiste et profonde de ces genres en fournissant un travail d’orfèvre des multipistes et autres loops sans pour autant perdre de son expressivité, de sa virulence et sa rage. Il y a nettement un côté Riot Girl rentre dedans chez Raymonde Howard, le genre à vous meugler à la figure ce qu’elle a sur le coeur, mais la demoiselle a du ressort et de l’inventivité et déploie tout au long de cet album ravageur une personnalité riche et protéïforme, tour à tour écorchée, tendre, mutine, sensible, forte et pleine de verve.
Il en ressort une folk sauvage et romanesque qui vous prend aux tripes et déverse une énergie communicative. Raymonde Howard n’a pas froid aux yeux et y va franco dans le registre d’un DIY ciselé, beaucoup moins minimal et brut qu’il ne peut y paraître au premier abord. Certes, le parti pris peut sembler assez frustre et rude mais au fur et à mesure des écoutes, on explore des couches successives et les sonorités se mêlent et s’entremêlent avec subtilité comme pour assister la verdeur et la vigueur du chant, soit en les apaisant par une certaine sensualité, soit en renforçant sa virulence comme sur l’énervé « Great minds think alike » (l’effet des « fuck you » passés en boucle est imparable, bienvenue sur le ring). S’engagent de véritables corps à corps avec chaque son, chaque résonance et les morceaux en deviennent organiques, amples et intenses.
On pense à ces expérimentatrices ensorceleuses comme Juana Molina, on sent que Raymonde Howard teste et invente sans cesse et taquine sa loop station avec autant d’énergie, d’inspiration, d’intransigeance et de volonté qu’elle en a pour chanter. Elle évoque aussi sous certains aspects, pour le côté brut et écorché, PJ Harvey ou Shannon Wright. Le résultat est puissant, charismatique et en même temps touchant, solaire et ampli d’âme.
Raymonde Howard touche la corde sensible sans apitoiement, bien plus avec une certaine fureur qui happe autant qu’elle émeut.
Après nous avoir ravi en live lors de la dernière NFT party, elle nous heurte autant qu’elle nous captive sur cet album insolent et frondeur qui fait d’elle une artiste à suivre de très très (très) près. On vous aura prévenus!
Laure DasinieresRaymonde Howard a une belle collection de godasses. Elle aime
s’en servir pour nous mettre des coups de tatanes. Un
prêté pour un rendu, for all the bruises, black
eyes and peas. Elles sont comme ça les femelles de nos
jours, elles se permettent de rétorquer quand on les dresse
- on ne peut plus les corriger impunément ; monde moderne de
mes deux. Elles se permettent même parfois de faire des
disques toutes seules, d’écrire des chansons qui
tendraient presque à démontrer qu’elles
ont un peu plus que des chaussures pour occuper leurs vies. Des
chansons qui contiennent quelques preuves d’intelligence. Qui
t’en tirent une direct dans les parties, et qui
elles-mêmes, à leur façon, en ont. Des
bien pendues.
Des chansons couillues, Raymonde Howard en avait farci une
démo entière, il y a déjà
de cela trois ans (voire plus), et sur son petit cd de rien du tout de
la collection Polaroid d’Angry Ballerina (encore des pompes
à tête chercheuse, je vous dis que c’est
une obsession), on voyait déjà des pieds
chaussés de bottes affreuses qui piétinaient un
beau gravier. Cette démo, non seulement je ne
l’avais pas oubliée une fois la chronique
postée, mais je l’ai en plus
réécoutée un certain nombre de fois,
parce que j’aime bien me faire latter les glaouis,
à temps perdu. Rien de mieux qu’une
séance de ballbusting pour se remettre les idées
en place. Je vais être copieusement servi avec ce premier
véritable album de Raymonde Howard. Au programme : marmelade
(un titre d’une autre tortionnaire des roubignoles : Carla
Bozulich, du temps où elle chantait avec les Geraldine
Fibbers) testiculaire à tous les étages.
Raymonde Howard a troqué son vieux quatre piste contre une
loop station flambant neuve et rien ne change. Sa façon de
composer reste la même. Elle empile, elle fait tourner, elle
rajoute, elle enlève, elle répète,
elle s’entête, elle enfile, elle permute, elle
inverse, elle entrepose, elle accumule, c’est du tricot, en
fait. Le son n’est plus lo-fi, les chaussures de pochette
font plus « habillé », et ce
n’est absolument pas un problème. C’est
même un avantage, tellement la prise de voix (par Ives
Grimonprez) est impeccable : nature au possible. Zéro effet.
Tout ce qu’il faut à Raymonde, un impact sec.
Parce qu’elle a un beau timbre de voix, Raymonde. Une voix
sublime. Elle chante bien en plus. Et pas que des coNNeries. Dans un
anglais remarquable – même si un peu trop british
sur les bords. Sur la première chanson, The Naked Line, elle
parle de sa nouvelle amourette, de sa liaison avec sa loop station, son
nouveau joujou qui lui permet de mettre ses mélodies
(vocales ou de guitare) en boucle, jusqu’à nous
entortiller avec elles dans cette mise en abyme. Le chant
s’embobine vite fait, mais c’est la guitare que
j’ai envie de retenir, parce que de façon
surprenante, elle a un petit quelque chose de Lou Reed (ce
n’est pas une insulte #1). Lou Reed comme quand avec le
Velvet il jouait son Blues à lui (sur Loaded encore plus que
sur le troisième album, pour être plus
précis). La même impression velvetienne revient
plus loin sur le rock’n’rollesque Who’s
Got The Girls, alors que sur le rockabillesque Song To Shoot Him,
c’est quasiment le rythme/riff du Svalutation
d’Adriano Celentano (ceci n’est pas une insulte #2)
qui est resservi, froid. Sur la ritournelle intitulée The
Sculptress, le chant, espiègle, m’a
immédiatement fait penser aux Ting Tings (ceci
n’est pas une insulte #3). Après ça,
j’ai enfin cessé de soupeser, de comparer et
d’assimiler, même si j’aimerais bien
rajouter que Raymonde Howard a une Kathleen Hannah qui sommeille en
elle (celle de Julie Ruin plus que celle de Bikini Kill ou de Le Tigre)
et que plus d’une fois elle a dû se
réveiller au son d’un album de PJ Harvey. Laissons
plutôt Lætitia - son prénom dans la
vraie vie - faire du Raymonde, car c’est ce qu’elle
fait de mieux (en plus de jouer dans La Seconda Volta). Laissons-nous
émerveiller par des thank you’s mutés
en fuck you’s et perpétués à
l’infini, comme sur Great Minds Think Alive (et Raymonde
thinks aloud ?) ou par des phrases telles que the raincoats
are here and the charcoal is there, you are born out of
lovers’ leisure/pleasure, pour ce qui pourrait bien
être un autre tube prenant allègrement la
direction de l’entrejambe.
Cet album est effectivement court (22 minutes, 8 chansons), mais
c’est pour mieux être mis en boucle.
La seule chose de regrettable avec cette sortie, réellement,
c’est qu’en plus de ne pas être
livrée avec une coquille (j’aurais bien
aimé avoir les paroles aussi), elle est
accompagnée d’une sorte de bio qui ressemble
surtout à une chro. Une chro super bien écrite,
qui dépeint le disque à merveille. Si jamais tu
la lis (normalement je les bazarde, ces merdes redondantes et
auto-suceuses, mais celle-ci je l’ai lue avant même
d’écouter le disque, uniquement parce que
j’étais hyper content d’avoir des
nouvelles de Raymonde et de savoir qu’elle avait
trouvé un label – en même temps, avec
autant de talent à revendre, si tu trouves personne pour
sortir ton disque, c’est que la situation est
désespérée. Si Raymonde
était de Brooklyn au lieu de St Etienne, elle serait sur
Matador et Pitchfuck ferait des flaques dès
l’énonciation de son nom), tu te retrouves bien
emmerdé pour trouver de nouvelles choses à
dire…Vous pouvez donc être certains que chaque
(bonne) chro que vous lirez sur ce disque sera un paraphrasage
intempestif de la bio/présentation en question. Rien de
nouveau, vous me direz, toutes ces merdes de webzines en sont
gavées, de chros qui ne font que repomper des bios, et le
KKKlues ne fait pas exception.
La note maintenant… - sympathiquement
suggérée par le chèque
agrafé à la bio ? Fuck it, pas de raison
d’être radin, à disque parfait, note
parfaite :
On la suit depuis quelques temps la Raymonde, de quand elle
sortait encore ses chansons sur cdr, via son propre label "angry
ballerina", et déjà, la Raymonde nous avait
tapés dans les oreilles. Il faut dire qu'elle sait y faire
la Raymonde, avec sa guitare et son bel accent anglais… il
ne lui en faut pas beaucoup plus pour composer ses petites chansons
simples mais terriblement bien ficelées. Une
écriture digne du 4 tracks de PJ Harvey, c'est dire. Et
alors qu'on la croyait coincé dans les caves du Do It
Yourself, avec son petit côté bricolé
à la maison, ce nouvel album, sorti chez We Are Unique!,
semble lui apporter une tout autre visibilité (ça
doit avoir un lien avec l'orange pétard de la pochette
ça). La miss n'a pourtant pas vraiment changé de
concept. Un son bien meilleur et de nouvelles chaussures de dame,
certes, mais en dehors de ça, Raymonde se contente toujours
de quelques accords de guitares en boucle et d'un rythme on ne peut
plus basique pour raconter ses petites histoires… mais que
voulez-vous, Raymonde a une si belle voix, et de si bonnes
mélodies, qu'on ne peut que succomber. Nous, comme le bon
vieux Lenoir qui invite tout de même la Raymonde a monter
à la capitale pour une Black Session ! Ben ouais mon gars,
Raymonde va découvrir le grand monde ! Et le moins qu'on
puisse dire, c'est que c'est bien mérité, car ce
nouvel album est encore une fois une belle réussite (hors de
question de le laisser aux seuls stéphanois). Alors on
oubliera la boite à rythme souvent gonflante (trop basique
et mixée trop forte pour ce qu'elle offre), et on se
concentrera sur la voix de Raymonde, tout simplement
envoûtante (allez, avoues, t'es la fille cachée de
Polly Jean ?)… Tiens, au fait, je vous ai dit qu'en plus, la
Raymonde, elle sait aussi jouer du post-hardcore à la
guitare (cf. La Seconda Volta) ? Putain, trop
forte la Raymonde !
[mg]
Après un article dans Libération et un passage dans l'émission « C'est Lenoir » sur France Inter, le folk rock minimal de la chanteuse est en pleine expansion. Sous le pseudo de Raymonde Howard, on découvre en effet le projet intimiste et solo de Laetitia Fournier, une artiste renommée de la scène punk stéphanoise et membre de divers groupes (Kiss Kiss Martine, La Seconda Volta).
Sa première démo en tant que Raymonde Howard, l'artiste la sort en 2006 à son retour de Brighton, où elle a passé un an. Elle compose alors un projet folk intimiste, truffé de bonnes trouvailles et offrant 10 titres d'une rare finesse. L'ensemble fonctionne terriblement, passant de compos de 20 secondes à des morceaux de 7 minutes, a cappella ou instrumental, appuyés par des claviers ou guitares, boîtes à rythme ou batterie.
2010, l'aventure se poursuit pour Raymonde puisque son premier véritable album vient de voir le jour le mois dernier. Adepte des loops vocales et instrumentales, elle exploite au maximum ses penchants expérimentaux, les mettant ainsi au profit d'un folk rock incisif et sexy.
Avec « For All the Bruises, Black Eyes and Peas », la chanteuse ne se fixe aucune règle, aucune limite. L'inspiration du moment comme seul guide, il en résulte un projet abouti, sonnant comme un album exutoire à la fraîcheur incontestable. 25 minutes de plaisir auditif, de musique minimale, percutante et sensuelle. Juste assez pour frustrer l'auditeur et lui donner envie d'aller découvrir cette artiste talentueuse sur scène.
FF | IE | Chromeyisahn.com 2011-2022