Un duo français plein de charme, d'épines et de malice.
Critique et écoute.
Déjà joliment peuplée, la maison toulousaine We
Are Unique! Records vient d'accueillir un très avenant nouveau
résident, en l'occurrence un duo composé de Dominique
Dépret (alias Mocke, membre fondateur de Holden) et Claire
Vailler, répondant au nom de Midget! L'insolite association de
ce mot, signifiant "nain" dans la langue de Bob Dylan, et d'un point
d'exclamation constitue un premier indice de la malice dont les deux
partenaires sont capables.
De fait, leurs chansons douces-amères, qui refusent
obstinément de choisir entre pop-folk anglo-saxonne et chanson
française, sortent subtilement de l'ordinaire et dessinent une
trajectoire des plus singulière. Totalement
dénuées d'effets, ces entêtantes miniatures
pareilles à des fées attrapent l'oreille (et le coeur)
sans avoir l'air d'y toucher. Leur rayonnement n'en est que plus grand.
Midget ! est un duo fondé en 2009 par Claire Vailler et Mocke.
On connaissait Mocke comme cofondateur du groupe pop parisien Holden,
ou pour ses arcs électriques tendus entre Sing-Sing et
Eloïse Decazes au sein de Arlt, ou encore jouant aux
côtés de Kelly de Martino, Silvain Vanot ou Dogbowl. Le
voilà faisant le contrepoint guitaristique à la voix
délicate de Claire Vailler, rencontrée lors d'un concert
de Arlt, où elle interprétait seule avec sa guitare des
chansons composées par elle sur des poèmes d'Emily
Dickinson et W.B. Yeats. Chanté en français et en
anglais, accompagné de petites potions électroniques par
Oomiaq (du groupe Milenka), leur premier album sous le nom de Midget !,
de poésie marine et mélodies supérieures, est une
des plus belles choses arrivées cette année.
Arpèges de guitares aquatiques, bulles électroniques,
choeurs flottants, refrains s'envolant, tout Lumière d'en
bas oscille tel le bouchon du pêcheur entre surface et
profondeur, enfance de l'art (liberté) et art de l'enfance
(comptines), et semble raconter l'histoire de ces habitants des fonds
marins obligés de rejoindre la terre ferme et le feu du grand
air. Claire Vailler sonne ainsi sirène, douce voix
fragilisée par l'oxygène, hantée comme le fut
celle de Trish Keenan de Broadcast, ou au funambule accent charmant, un
peu Claudine Longet, un peu Astrud Gilberto. Remontant depuis les
abysses, eau profonde, chant des baleines et sonar de dauphins, on
croit entendre le début Low Water évoquer l'impossible
rencontre entre l'eau et le feu, ou les « antipathes », ces
habitants des antipodes (du latin antipodus : « dont les pieds
sont situés à l'opposé »), imaginés
par Alice et Lewis Carroll. Plus loin, The Scottish Way sera aussi une
chanson funambule, entre haut et bas, intérieur et
extérieur, comme Edimbourg est une ville schizophrène,
partagée entre ancien et nouveau. Plus loin encore, Don't Ever
évoque l'impossible conciliation, chanson de précaution
envoyée par la sirène à un prétendant
éconduit, qui ferait mieux de s'acheter un coeur (« Buy
yourself a earth, for what it's worth »), chanson qui se finit en
valse, rengaine, reprise et tournerie : « Things remains the
same, cast in the sand ».
Car la rencontre a bel et bien lieu, picking savants de guitares et
chant comme un flux et un reflux s'enlacent, s'entrelacent,
dansent ou avancent du même pas sur As in a Ball, ritournelle aux
choeurs rêveurs , dont les paysages rappellent ceux fantastiques
de Pram ou de Broadcast, encore, hantologie liquide, peuplée de
sorcières aux longs cheveux flottant et de fantômes
errants dans de profonds labyrinthes, limbes ou purgatoire. L'en bas du
titre évoque ainsi l'eau matricielle, mais aussi le monde des
rêves, sur ce Sleepwalker où guitares sèche et
mouillées se répondent de chaque côté de
l'écume, cloches et gongs réverbérés
ouvrant la porte des songes.
Les cordes de la guitare finissent par hameçonner le poisson, et
sur Les Mailles, la sirène est prise dans les filets de la vie,
sortie du bain trop tôt, ramenée à la terre ferme,
« du sable entre les dents », mélancolique (humeur
saturnienne), nostalgique du sentiment océanique, début
et fin de tout. « C'est qu'il fallait s'arracher à la
mémoire des temples de sable » (Le Vert et le gris),
chante-t-elle tandis qu'un orgue file le long de la superbe
mélodie. La voilà passée de l'autre
côté, à la surface, là « où les
arbres touchent le ciel » et c'est rien moins que le
féminin et le masculin, élémentaires, qui se
rejoignent et se confrontent, à ciel ouvert.
Car oublié le bain amniotique, c'est la guerre en surface :
« têtes de fer », « corps sans voix »,
« des centaines de formes restent sur le carreau »,
« la guerre est dans l'oubli ». On se retrouve sur le champ
de bataille, au milieu du bruit blanc (White Noise et Delia Derbyshire
habitent Cet air, il va nous manquer, comme une chanson de Noël
triste) et l'on tombe dans leur rêve comme Stendhal
s'évanouissait dans les tableaux des maîtres anciens (It's
a Work of Art). Chef-d'oeuvre.
En attendant un nouvel album de Holden - le premier depuis
"Fantomatisme" en 2009 - qui ne devrait plus trop tarder, il est
vivement conseillé de se pencher sur les projets
"parallèles" des deux membres fondateurs du groupe, Armelle
Pioline et Mocke. Après l'album solo de la première sous
l'alias Superbravo, c'est le second qui s'y colle avec sa compagne
Claire Vallier et quelque complices, sous le nom de Midget!. A priori,
les fans de Holden ne devraient pas être totalement
dépaysés par "Lumière d'en bas" : la voix de
Claire est voisine de celle d'Armelle, et le jeu de guitare de Mocke,
toujours aussi fin, délié et inventif, est
d'emblée reconnaissable.
On note quand même quelques différences. La plus notable
réside dans le partage à parts à peu près
égales des textes entre anglais et français, qui pour
autant ne nuit pas à l'homogénéité du
disque. Ce balancement entre les deux idiomes apparaît d'ailleurs
assez anecdotique, ou du moins peu signifiant : on ne
décèle ici ni la volonté de certains groupes
actuels de "faire sonner la pop en français", ni, à
l'inverse, le désir de s'ouvrir à un plus large public
par l'emploi d'une langue "internationale". Le principal changement
tiendrait plutôt dans l'abandon des productions richement
ornées auxquelles nous avait habitués Holden, au profit
d'un certain minimalisme qui n'est jamais synonyme de
sécheresse, et qui est d'ailleurs enrichi par un beau travail
sur les choeurs.
Disque de duo, "Lumière d'en haut" est aussi un disque de
dialogue entre elle et lui. Sur "As in a Ball", la voix semble
s'enrouler autour des notes de guitare ciselées telle une vigne
vierge sur une treille, impression renforcée par les
sonorités arrondies de l'anglais : "swirling", "shimmering",
"strolled", "flourishing", "whirl"... La pochette signée par
notre
collaborateur Julien Bourgeois, avec ses formes courbes, labiles,
entrelacées, pourrait d'ailleurs figurer une
représentation visuelle de cette musique toute en volutes
sonores, qui refuse les angles droits. "Les Mailles", qui suit, est
plus proche de Holden, en tout cas du Holden de "Fantomatisme",
s'éloignant des canons de l'écriture pop pour tenter de
nouvelles approches. L'envoûtement est total, comme sur le
très sobre "A ciel ouvert". Le texte, mystérieux, peut
évoquer à la fois Dominique A à son plus
poétique et Arlt (avec qui Mocke collabore), relevé d'un
zeste d'amour courtois. Puis "The Scottish Way" et "Don't Ever" (pivot
et pièce maîtresse du disque) nous font
définitivement échapper à l'attraction terrestre.
Des réminiscences de vieille Europe (madrigaux, folk anglais,
valse...) y sont réduites à une épure : voix,
guitare, un peu de claviers. Mais quelle richesse, quelle
musicalité ! On pense aux miniatures que sortaient Les Disques
du Crépuscule il y a une trentaine d'années.
La suite, sans atteindre de telles altitudes, confirme la tranquille
singularité du projet de Claire et Mocke, groupe funambule qui
défie les catégorisations hâtives (pop, chanson,
folk, jazz, voire psychédélisme...) et semble peu
soucieux
d'emporter l'adhésion de l'auditeur dès la
première écoute, sans pour autant surjouer le
mystère. C'est tout à leur honneur, et c'est ce qui nous
rend leur musique si précieuse.
J'ai toujours aimé les gens en marge... et disons le
franchement, sortir un disque sous le nom Midget ! en plein boum du
Hobbit m'excite au plus au point ! Derrière ce petit nom se
cachent la superbe Claire Vailler (Transbluency) et le génial
Mocke (Holden, Arlt, le meilleur guitariste franco/belge du monde).
Ce disque est une merveille de folk, un disque à tiroirs dans
lesquels il y a des puits sans fond qui fourmillent d'idées
brillantes. L'on y croise des fantômes bilingues d'origine
multiple, baignant dans l'eau froide, pratiquant tour à tour le
jazz, la bossa nova, le psychédélisme tranquille et
serein, tout en dansant la valse.
De part son caractère hanté quasi folklorique auquel se
mêlent d'ingénieux bidouillages quasi
électroniques, la galette m'évoque le Parallelograms de
Linda Perhacs. La voix de Claire est d'un surréalisme
féerique, mélodiquement implacable, et semble constamment
naviguer vers les cieux. Pendant ce temps, Mocke interprète des
mélopées incroyables, aussi bien inspirées
qu'inspirantes, dont lui seul a le secret. Un morceau comme "Don't
Ever" est un véritable bijou de composition, la partie
guitaristique finale étant l'un des plus beaux hymnes à
l'amour qui soit.
Ce disque est un disque hivernal, qui hiberne en son sein de
précieux rayons de soleil, qui s'approvisionnent de toute la
beauté du monde. Il est très agréable à
écouter chez soi, mais surtout sur la route et réchauffe
le coeur. Une fois l'album fini, si je savais bien qu'une fois
éteint le feu ne laisse qu'une lueur tiède, il laisse
aussi, et avant tout, ces miraculeuses Lumières d'en bas qui ne
cesseront jamais de briller de par leurs enchantements, en boucle et en
boucle.
Magistral.
La musique sur le premier album du tout jeune duo Midget ! serpente et
se faufile à la cadence de ses guitares étouffées.
C'est un animal rêveur, d'apparence modeste, mais qui recouvre
peu à peu vos sens, à votre insu, ouvre ses pattes
membranées pour vous inspirer des sensations. Selon les heures
du jour, "Lumière d'en bas" peut apparaître comme un
traitement plus ou moins insolite, toujours bénéfiques
à vos sens. Je me réjouis toujours de nouvelles
grâces, de nouveaux moments de langueur, de petites
félicités harmoniques, pensant entendre peu à peu
les mécanismes qui font l'irrévocable beauté de la
musique toujours légère de Midget !. On se laisse porter
par des instants fugaces : ce refrain par exemple, « Les serments
se font à ciel ouvert/tu le sais, Amour, tu le sais. »
Pour mériter leur étiquette de « meilleur
duo/groupe dream-folk de l'année », ils n'ont qu'à
nous confronter à des évocations de rêve pur : la
parfaite Sleepwalker, et une ligne ça et là, sur Les
Mailles par exemple : « C'est un tel éclat que l'on ne
voit jamais/Au-delà des cercles d'ambre sous les
paupières ».
On imagine combien il est difficile d'enregistrer un album aussi doux
sans échouer. Claire Vailler et Mocke ont tiré ensemble
tous les fils invisibles de ces chansons françaises ou
anglaises, empruntant à la poésie de ces deux langues
d'une façon vraiment personnelle. Inspirés par de
délicates structures mélodiques jouées à la
guitare, ils les ont embellies de claviers discrets et d'autres
instruments servant de ponctuation et donnant des visions
féériques à leur partition. Le résultat a
une intimité, une douceur qui s'intensifie avec ses
velléités progressives.
Claire décide de chanter de mille façons, court le danger
de ne pas trouver le ton juste. The Scottish Way ou Le Vert et le
Gris semblent danser plusieurs mouvements simultanés et trouvent
dans ces mouvements une identité et une nouvelle assurance.
Outre la richesse harmonique qui constitue la signature du duo, une
gravité envoûtante fait surpasser aux chansons leur formes
de comptines, lorsqu'on évoque un désir rejeté sur
Don't Ever ou l'arrivée de l'hiver sur Cet Air.
eauté inestimable de l'abstraction. As in a ball évoque
une contine ou une berceuse, Don't ever est aussi bouleversant qu'une
déclaration d'amour ou une rupture définitive, Low water
nous plonge dans la brume la plus totale, The scottish way nous donne
la sensation de sautiller dans les recoins les plus
insoupçonnés de notre inconscient. On avance et on
s'égare, on est pourtant allongés les yeux fermés.
On part très loin, le coeur s'ouvre, se serre. Des tas de
magnifiques paysages, de décors, se dessinent dans nos
têtes. Il suffit d'un accord, d'un couplet, d'un seul mot
même, pour que naisse l'obsession.
Le morceau Corrazon se déploie. « Dans ma rue des
centaines de formes restent sur le carreau... ». On se repasse le
morceau des dizaines de fois, et les poils s'hérissent toujours
de la même façon sur cette phrase qui se lance, cet air,
cette voix. Impossible de comprendre pourquoi. Est-ce le goût de
l'improvisation, de l'aventure, le fait de transformer chaque titre en
poème, en histoire aux interprétations infinies, qui
ravit autant ? Impossible à dire. Quelque chose foudroie,
souvent quand on s'y attend le moins. Parfois du premier coup, parfois
plus tard. Pour qualifier à sa juste valeur ce disque, il
faudrait le fredonner. Ou bien le décrire en esquissant le plus
pur des sourires. Un sourire comme celui que l'on peut avoir quand
l'espace d'un instant plus rien n'a d'importance : on est juste bien,
on est là mais ailleurs, tout n'est plus que caresse, douceur.
C'est un album qu'on prendrait autant de plaisir à lire
qu'à écouter. On se l'approprie, on s'envole grâce
à lui vers de nouveaux mondes imaginaires. On y croise des
personnes, des fantômes, des souvenirs. Aussi
élégant et troublant en français qu'en anglais,
chaque titre à sa propre atmosphère, porté par une
rare vulnérabilité. Les mailles, Sleepwalker, Le vert et
le gris, A ciel ouvert : on aurait envie de citer tous les titres juste
pour le plaisir, juste pour se remémorer tout ce qui nous est
passé par la tête en les découvrant. Multitude
d'émotions et de sensations. On devient sentimental, comment ne
pas le devenir quand une musique vous touche comme ça, belle
comme un miracle ?
Touché par la grâce de la première à la
dernière minute, faisant l'effet d'une séance d'hypnose,
Lumière d'en bas est si envoûtant qu'on jurerait qu'il
s'agit d'un mirage, d'une voix qui résonne dans notre
tête, presque trop familière pour être
réelle. On se repasse le disque, jusqu'à la
déraison. Il ne s'épuise pas, le mystère reste
entier. Lumière d'en bas existe bien, et c'est un vrai
trésor.
Après les années Holden et le récent disque du
collectif Arlt, Mocke revient dans un nouveau projet, Midget!, cette
fois en compagnie de la chanteuse Claire Vailler.
Et c'est sur l'excellent label Unique records que parait ce premier
album, soit une suite de chansons pop folk jazzy délicates et
mélancoliques, remplies de poésie comme il nous a
rarement été donné l'occasion d'en entendre durant
cette année 2012.
Dans les 12 titres subtilement arrangés de "Lumière d'en
bas", Claire Vailler alterne textes en français et textes en
anglais portés par une voix douce et rassurante sur laquelle
viennent se poser les notes de guitare claires de Mocke.
Voici donc un disque entre ombre et lumière, délicat et
gracieux, aux mélodies et aux harmonies vocales absolument
magnifiques qui rappellent par moment les plus belles chansons de
Holden ("les mailles", "à ciel ouvert"...). Un qui disque
constitue en tout cas une entrée en matière plus que
réussie pour ce duo très bien assorti.
Sorti fin 2012 chez We are Unique ! Records, Lumière d'en bas
n'est chroniqué qu'aujourd'hui sur ADA. Ce n'est pas un hasard :
le disque n'a pas fait l'unanimité dans nos rangs. Bien que j'en
sois l'un des soutiens les plus fervents au sein de l'équipe, je
comprends.
Je comprends que la magie de Midget ! n'opère pas
nécessairement auprès de toutes les
oreilles/cerveaux/coeurs/jambes. D'ailleurs, mon hypothèse est
que le duo français accorde bien peu d'importance au grand
nombre, voire à l'aspect fédérateur ou non de leur
musique : à mon avis, Midget ! joue avant tout pour soi.
Attention, je n'ai pas dit qu'il nageait dans un vase clos : si l'on
adhère, on flotte forcément à leurs
côtés, on ressent ce qu'ils partagent, on communique,
même. À l'écoute de Low water, Les mailles ou
Sleepwalker, je me surprends régulièrement à leur
sourire.
Disons donc que Lumière d'en bas s'adresse à une
personne. Rencontrée il y a quelques années, Lisa Germano
m'avait marqué en affirmant qu'au fond, elle n'avait pas
l'impression de faire de la musique pour un public, aussi restreint
fût-il, mais plutôt pour un individu. Si sa chanson
touchait aussi profondément que dans son intention de
départ UNE personne, alors son pari était gagné.
Je pense que Midget ! est de cette trempe.
Ce qui est également manifeste dans leur musique, c'est
l'écriture à deux. La recherche constante du lien, du
'et' entre Claire et Mocke. Certes, l'un comme l'autre ont une vie
avant Midget ! et savent l'utiliser comme l'outil qui fait prendre ce
ciment, mais c'est réellement le présent qui compte,
l'interstice que l'on voit naître, la complicité qui
émerge de l'interaction entre les voix et les guitares, souvent
doubles. Les arrangements ne s'y limitent pourtant pas, contrairement
à la formule qu'ils appliquent en concerts (hautement
recommandés aux amateurs de moments de grâce). Claviers
discrets, boîtes à rythmes savamment dosées
(parfois presque à l'excès, paradoxalement) : les effets
rappellent que nous ne sommes pas exactement devant la récolte
de la dernière pluie.
Chronique tardive oblige, beaucoup de jolies choses ont
déjà été écrites sur Lumière
d'en bas. L'ombre de Holden, l'influence bien assumée de
Françoise Hardy (on a d'ailleurs peu fait ressortir celle de
Linda Perhacs, assez apparente à mon goût, la
virtuosité de Mocke, l'un des meilleurs guitaristes
français, façon doigts-dans-le-nez-mais-humble.
J'ajouterais simplement que, pour qui souscrit, ce disque est un appel
à la ré-écoute. C'est devenu un cliché
d'écrire ça, je vous épargne le couplet sur
l'immédiateté contemporaine, la consommation tout
ça, mais il faut avouer qu'un album aussi inépuisable et
tenace aux écoutes multiples fait du bien. En tout cas, me fait
du bien, à moi.
La musique sur le premier album du tout jeune duo Midget ! serpente et
se faufile à la cadence de ses guitares étouffées.
C'est un animal rêveur, d'apparence modeste, mais qui recouvre
peu à peu vos sens, à votre insu, ouvre ses pattes
membranées pour vous inspirer des sensations. Selon les heures
du jour, Lumière d'en bas peut apparaître comme un
traitement plus ou moins insolite, toujours bénéfiques
à vos sens de diverses façons. Je me réjouis
toujours de nouvelles grâces, de nouveaux moments de langueur, de
petites félicités harmoniques, pensant entendre peu
à peu les mécanismes qui font l'irrévocable
beauté de la musique toujours légère de Midget !.
On se laisser porter par des instants fugaces : ce refrain par exemple,
« Le serments se font à ciel ouvert/tu le sais, Amour, tu
le sais. » Pour mériter leur étiquette de «
meilleur duo/groupe dream-folk de l'année », ils n'ont
qu'à nous confronter, ce qu'ils font, à des
évocations de rêve pur : la parfaite Sleepwalker, et une
ligne ça et là, sur Les Mailles par exemple : «
C'est un tel éclat que l'on ne voit jamais/Au-delà des
cercles d'ambre sous les paupières ».
On imagine combien il est difficile d'enregistrer un album aussi doux
sans échouer. Claire Vailler et Mocke ont tiré ensemble
tous les fils invisibles de ces chansons françaises ou
anglaises, empruntant à la poésie de ces deux langues
d'une façon vraiment personnelle. Inspirés par de
délicates structures mélodiques jouées à la
guitare, ils ont poussé les enveloppes et les ont embellies de
claviers discrets et d'autres instruments servant de ponctuation et
donnant des visions féériques à leur partition. Le
résultat a une intimité, une douceur qui s'intensifie
avec ses velléités progressives.
Claire décide de chanter de mille façons, court le danger
de ne pas trouver le ton juste. The Scottish Way ou Le Vert et le
Gris semblent danser tant de mouvements simultanés et trouver
dans ces mouvements apparemment disjoints une identité et une
nouvelle assurance. « J'ai perdu mon coeur, j'ai perdu ma
folie/contre ma peau/Avant de la laisser couler sur l'étendard
ou la foule qui s'éloigne. » Midget !, c'est comme
regarder ces danseurs flamands exécuter leurs
interprétations contemporaines, oniriques et doucement sauvages
d'une pièce de Ravel - version chanson folk.
Outre la richesse harmonique qui constitue la signature du duo, une
gravité envoûtante fait surpasser aux chansons leur formes
de comptines, lorsqu'on évoque un désir rejeté sur
Don't Ever ou l'arrivée de l'hiver sur Cet Air. Cette
dernière est une petite gemme qui entrecroise les
mélodies. Puis vient Wheel the Real. « Rip the bitter and
sour/things that creep at your side. » On peut sentir ces choses
rampantes gratter de leurs petites pattes espiègles et vous
inculquer chacune une image, un mot, un son, une contribution
précieuse et parfois amère. Le refrain est encore de ces
moments chatoyants : « You reap what you sow but it's not what
you are/Until you decide you will never never never/Know who is to
blame if you're on the wrong side." On se laisse porter et
déposer ailleurs, par la seule poésie des mots.