Producteur
raffiné, le Français passe à l'acte
sur un album envoûtant.
Producteur aux vastes secrets et sortilèges, Gilles Deles a
souvent exigé l'impossible des groupes/cobayes
passés entre ses manettes : ils l'en remercient aujourd'hui
puisque sur son second album sous le masque de Lunt, deux membres
d'Angil viennent lui renvoyer l'ascenseur (pour le paradis). Egalement
cofondateur du passionnant label We Are Unique Records, l'uns des
écuries françaises les plus cohérentes
et pourtant imprévisibles depuis les regrettés
Lithium (leur modèle économique est
également exemplaire), Lunt joue de la musique le dimanche,
en hobby. On l'imagine en toge, psalmodiant son folk dingue les bras au
soleil, évoquant dans son entassement de voix et de...
murmures les moments les plus illuminés du Beta Band. Ou
alors sur une chaise électrique longue, quand son rock
s'énerve un peu, avec cette nonchalance bougon
enseignée par Neil Young au Silver Jews, à
Palace, à Mark Mulcahy (dont il partage le timbre, notamment
sur l'éblouissant Where's the revolution). Finie, donc,
l'époque où l'écriture
raffinée de Lunt était
raturée d'electro, tachée
d'électricité, déchiquetée
au post-rock : même quand il reprend My Bloody Valentine
(Sparks and Darkness), c'est dans un recueillement, une
béatitude qui disent que l'orage est passé. Mais
que l'électricité, mauvaise, insidieuse,
menaçante, continue de rôder dans les prairies. Le
meilleur moment pour marcher dans la lande : quand le calme est revenu
mais que le silex sent encore l'apocalypse.
JD Beauvallet.
Switch The Letters ou comment
l’homme de l’ombre regagna la lumière.
Si le premier album de Lunt en 2001 avait marqué la
naissance du label toulousain We Are Unique Records, Gilles
Deles, cofondateur du label, avait fait plus ou moins mis en sommeil
son personnage de musicien durant des années, pour mieux se
mettre au service des autres artistes du label. Ô certes,
Lunt a distillé quelques réalisations
confidentielles (sur Nexsound, Another Record ou encore la sous
division d’Unique Records, Hitomi), mais rien ne laissait
présager qu’à l’ombre de ceux
qu’il épaulait (Angil, Melatonine, Half Asleep ou
encore B R OAD WAY), Gilles Deles composait des chansons miraculeuses.
Et malgré l’estime que pouvait susciter le
bonhomme, on ne l’imaginait pas capable de bâtir un
tel album. Si la production est évidemment impeccable, juste
dans son austérité, ce sont surtout ces
compositions dépouillées qui touchent. Le chant
est fragile, parfois fêlé, toujours
sincère et parfait écho aux spirales
égrenées d’une guitare cristalline.
Switch The Letters tient d’ailleurs à peu,
même si Angil apparaît derrière les
fûts sur plusieurs titres (lui qui chante si bien se tait
ici) quand Thomas Boudineau s’applique à faire
ponctuellement les chœurs plutôt que de jouer du
trombone. Quelques instruments à vents sur We Left With
Whispers, une contrebasse sur The War Zone et voilà que Lunt
se livre dans le plus grand isolement sur le très long Split
My Body. Un glissement, une faille qui s’entrouvre et Gilles
Deles laisse ses sentiments l’envahir, le chambouler. Chant
tourné vers la lune, Lunt avance sur les terres de Sophia,
avant de trouver la lumière sur le conclusif Happiness Is
Transient, morceau solaire qui évoque, ici comme ailleurs au
fil du disque, Jim O’Rourke. Des
références avouées dans la feuille de
presse qui reflètent à quel point Switch The
Letters excelle pour cette écriture près de
l’os et l’interprétation
donnée de toute son âme, pour cette
authenticité qui ne supporte que le dépouillement.
Denis
Frelat.
A l’origine du
label toulousain We Are Unique Records (Angil, Melatonine,
Half Asleep ou encore B R OAD WAY…), Lunt, de son vrai nom
Gilles Deles, que l’on a croisé par un temps chez
Another records, ("The third of me", 2003), avait sorti un premier
album en 2001. C’est donc neuf ans après que
l’on retrouve Lunt avec un second essai en tout point
réussi.
Si les années ont passé, sa capacité
à composer des folk songs lumineuses ne s’est en
rien atténuée, mieux que ça elle
s’est totalement affirmée !
De son chant léger, parfois confondant de ressemblance avec
celui de Michael Stipe de REM, Lunt porte ses chansons
mélancoliques et subtilement arrangées (Guitare,
piano, vibraphone, saxo, contrebasse..) vers le firmament sans que rien
ne semble pouvoir les arrêter. Du grand art !
[8/10]
Presque dix ans sans aucune nouvelle de Gille Deles Aka Lunt.
Caché sous sa casquette de producteur, entre autre des
albums d’Angil, Melatonine, Dana Hilliot & Friends,
Half asleep autres poulains de la belle maison We Are Unique records.
Nous désespérions d’entendre de nouveau
cet explorateur du son. Avec « Switch The Letters,
Lunt » il est de retour, ou plutôt Gilles
Deles se découvre. Loin de
l’expérimental premier disque , Gilles arpente les
chemins balisés par des idoles, allant de REM à
Gastr del Sol, le tout avec une simplicité touchante
(naïveté ?).
Si je devais balayer un grief d’entrée
à cet album, c’est d’avoir
commencé par le morceau le pus fort.
« Golden House V2 ». Imaginez une
course cycliste commençant en haut d’une montagne,
cela n’aurait pas sens, le plus dur ce serait
passé avant. C’est bien la crainte
légitime que nous pouvions avoir en écoutant ce
titre, comme si le Beta Band nous revenait frais et dispo
après un long break, s’offrant leur meilleur
titre, sans laisser percevoir le moindre rictus de souffrance pour sa
réalisation. De ce Pic Gilles ne pourra que descendre, mais
ne pas aller plus bas, je m’explique. La norme aurait
été de partir tout shuss vers le bas, descendre
en avalant l’asphalte, sans ne rien voir des bas
côtés. Mais Gilles a de bons freins, et tout au
long de cette ballade, il saura se poser, reprendre son souffle,
s’offrir des bouffées d’air pur. Si
l’ombre de Michael Stipe est indéniable
(même façon de conjuguer chant fébrile
et juste, et aplomb dans les passages tutoyant la fausseté)
Gilles sait y amener des rencontres.
La simplicité au pouvoir, l’intime comme
une source à explorer, ce disque de Lunt est une cure de
bien être, une caresse auditive qui ne se
démentira sur aucun titre, nous plongeant même
parfois dans l’émotion brute
(« Switch The Letters » qui
n’est pas sans nous rappeler le meilleur de Mark Hollis),
nous touchant en plein cœur (« Happiness
Is Transent ») quand il chante pour Gerald Guilbaud,
une chanson tout à la fois naïve, emprunte
d’aucune nostalgie, juste de coucher en notes et en mots un
lien qui va bien au delà de l’amitié,
un lien très haut , très très haut,
comme l’ensemble du disque, là où
l’air est pure. Un retour à
l’émotion fracassante.
Gérald De Oliveira
Cela faisait 6 ans que nous n'avions de nouvelles de Lunt. Je dis bien
Lunt et non pas Gilles Deles, celui qui se cache derrière le
studio, et qui lui a participé à la production
d'au moins une dizaine de disques et non de moindres (les deux
Melatonine, the John Venture, Oulipo saliva d'Angil, (we are now)
seated on profile d'Half asleep ou encore Enter the Automaton de B R
OAD WAY. Six ans donc que Gilles, co-fondateur en son temps du label We
are Unique Records, avait laissé de
côté ses propres compositions. Et encore, son
dernier disque Fragments of free vol. 1 pouvait apparaître
comme une parenthèse expérimentale d'un
passionné qui cherche à explorer toutes les
possibilités sonores d'une guitare électrique.
Switch the letters marque le retour au premier plan de Lunt, pour ce
qui est à ce jour son album le plus accessible. Certains
amis rencontrés en chemin participent en tant
qu'invités sur l'album dont Mickael Mottet alias Angil dans
l'inhabituel rôle de batteur. Une mention dans le livret peut
même attirer l'attention et devenir symptomatique pour
apprécier tout le travail de Lunt : Mickael est
remercié de ne pas jouer de la batterie comme un batteur.
Dans Switch the letters, tout est remis en cause, les façons
de faire habituelles sont reconsidérées
à leur juste valeur et donc comme simple choix subjectif.
Lunt joue aussi avec le hasard. Et d'ailleurs Delphine Dora est elle
même remerciée pour un son concret et inattendu
sur le morceau-titre. Switch the letters peut donc
s'apprécier à différents niveaux :
des titres facilement identifiables influencés par
l'indie rock américain des années 90 à
aujourd'hui. Mais ces mêmes titres subissent aussi une
mini-révolution de l'intérieur. Rien de tapageur,
rien qui pourrait chasser irrémédiablement les
amateurs de bonnes chansons. Mais une légère
translation s'opère dans un monde plus recherché
et plus personnel : par des dissonances assumées, l'emploi
d'un effet "expérimental" (comme un jeu de miroir
éblouissant sur Golden House V1) ou plus
précisément des cuivres utilisés de
façon spectrale (we left with whispers, split my boody).
Tout cela donne de nouvelles nuances de couleur, un contraste et une
profondeur accrues, une version légèrement plus
chaotique d'un ordre établi qui ressemble à la
mise en danger d'un univers à la R.E.M.. Where's the
revolution ? est un bel exemple de cette dérive : une
mandoline Buck-ienne nous entrainant dans une ballade d'apparence
légère mais en clopinant sur une jambe et
risquant de tomber dans un buisson d'ortie. L'art de Lunt est d'arriver
à faire ressortir de sa musique une émotion
incroyable. Cela jaillit de paysages nus ou presque (The War zone : une
guitare vibrante, un piano droit désaccordé et
une voix haut perchée pour un résultat beau comme
du Mark Hollis) Mais cela nait aussi de l'accumulation de boucles de
guitares, de voix mystiques et de sons hypnotiques qui
amènent Golden House V2 vers des sommets d'ivresse et de
magie (un titre qui rappellera le trip de Lions kill everything de son
ami Dana Hilliott). Switch the letters est bel et bien le genre
d'albums dont on découvrira encore la richesse dans 10 ans.
Le plaisir est immédiat.
Denis Zorgniotti
(noté 9/10)
Lunt est le groupe de Gilles Deles, songwriter,
ingénieur du son, et co-fondateur du label We Are Unique
Records.
Switch the letters, le deuxième album de cette
formation, possède la qualité rare de concilier
dépouillement et densité. Les influences seraient
à chercher du côté de R.E.M (comme
l’excellent titre "Where’s the revolution ?")
ou Midlake, comparaisons évidentes dès la
première écoute : lenteur et
sécheresse de la guitare, fragilité
d’une voix pourtant expressive, impact des
mélodies, mélancolie légère.
Les chansons prennent le temps de s’installer, elles
sont pleines de silence, et ce silence révèle en
creux une profondeur musicale. Le temps de ce disque dépasse
en fait sa durée effective ; il se prolonge
au-delà, comme si ces trois quarts d’heure
s’étiraient jusqu’à la perte
de notion de durée.
Tous les disques lents ne procurent pourtant pas cette
capacité de détente : dans le cas
contraire ils se limitent au moment, fixé, d’une
simple répétition ; ou à un ennui.
Mais on attend d’un disque qu’il nous fasse sortir
de l’instant ; qu’il crée un
nouvel espace dans lequel se construit une durée subjective.
Switch the letters possède ainsi plusieurs mouvements
temporels. Essayez de passer le disque en boucle, vous aurez
l’impression d’écouter à
chaque occurrence quelque chose de nouveau. Je parle en tout cas des
premières écoutes. Par la suite, les refrains se
précisent, le style s’affirme.
Michaël Stipe est allé plus loin dans ce
procédé : ses disques sont autant
d’occasion de redéfinir la durée. Cela
me fait penser qu’il faudrait écrire un livre qui
serait à la pop ce que Matière et
Mémoire est à la philosophie. On y parlerait de
l’intuition musicale, de l’expérience
vécue du temps musical, du devenir irréversible
d’un disque, et de son rapport à la
mémoire. On y citerait de grands disques bergsoniens, si je
puis dire, comme par exemple Colossal Youth, Sister Lovers, ou Loveless.
Et cela donnerait lieu à une nouvelle façon de
percevoir la musique : faire une critique musicale
correspondrait moins à la "critique" systématique
qu’à la description du mouvement propre des
disques. "Split my body" de Lunt, beau et long titre de fin
d’album, pourrait constituer un point de départ
à ce projet.
Créer, fonder, s'impliquer, au
point de s'oublier. Gilles Deles est le cofondateur de We Are Unique
Records, que son premier album sous le nom de Lunt a
contribué à lancer. Le temps passant, le label
toulousain a grandi, et bien grandi, comme le témoignent
encore tout récemment les derniers albums de Raymonde Howard
et Angil & the Hiddentracks. Mais voici le temps pour Lunt de
reprendre le chemin des studios, et de se consacrer à sa
musique, lui qui a engrangé de multiples
expériences depuis le premier disque de Lunt, en 2001.
Ce n'est pas un disque évident, ce "Switch the
Letters". C'est un disque en reliefs, fait de vallées et de
détours, où l'on peut se perdre. Paysages arides
mais magnifiques balayés par le vent, sous un soleil de
plomb. De quoi lézarder ? Pas vraiment, malgré un
feeling qui incite plus au grand calme intérieur
qu'à l'excitation électrique : l'acoustique de la
guitare remplit admirablement l'espace, la voix habitée
évoque REM et Michael Stipe, tant elle est vibrante et
frêle à la fois, et crée une ambiance
unique, prenante sans être envahissante. Ces dix titres ne se
rattachent pas vraiment à un style unique : on est ici au
confluent du post-rock, pour l'importance de l'atmosphère
dans la construction des chansons, le folk pour l'instrumentation, la
pop pour la faculté de certains titres d'inoculer leur
mélodie. L'ascèse du disque sert celui-ci, en
sollicitant en permanence l'auditeur, qui doit ainsi s'attacher aux
détails, à ces notes de piano
égrénées avec parcimonie, cette
batterie ou en arrière-plan, ces quelques accords de guitare
acoustique qui se fait parfois électrique ("Golden House
V2"). Les sentiments affleurent sur chaque chanson, toujours en
subtiles nuances : sérénité ("We Left
With Whispers", "The War Zone"), exaltation douce ("Where's the
Revolution ?", zébré de coups
électriques, "Happiness Is Transient" qui s'envole
langoureusement) ou errance mélancolique au long cours
("Spit My Body"). Les neuf titres passent ainsi, en berçant
sans complaisance celui qui écoute, et qui ressent plus
qu'il n'écoute d'ailleurs ce disque charnel, vivant et
pourtant si paisible. Unique, une fois de plus.
Avec ses mélodies subtiles et ses mots froissés,
la musique de Lunt revient sous la lumière. Enfin !
Absent des bacs depuis trop longtemps, mais actif au sein de son label
- le bien nommé We Are Unique ! Records - autour d'artiste
comme
Angil
(présent derrière les fûts sur ce
disque), B R Oad Way, Half Asleep ou Zero Degré, Gilles
Deles marque d'un grand R son retour aux affaires.
Avec ce Switch The Letters, il nous évoque le calme
âpre et sec qui règne après la
reddition. Pas tellement que cette musique ait renoncer à
relever la tête, chacune de ces chansons reste ici un acte de
courage résolu et combatif, rien à redire
là-dessus. Mais disons que les titres de Lunt avancent comme
courbés, voûtés par le spleen,
explorant l'incommensurable panel qui court du noir clair au noir
foncé (à l'instar d'un artwork de la
même veine).
Voici donc neuf titres qui composent une mosaïque à
la carnation embuée, comme les pupilles par le chagrin. Un
florilège d'après tempête qui,
nimbé de mélancolie, échappent
malgré tout à la laideur des exercices mielleux
d'auto-flagellation les plus faisandés. Bien mieux qu'une
réussite donc, ce disque relève de l'exploit !
Clairement, Lunt parvient ici, par sa maîtrise de la
navigation en eaux troubles (génial Split My Body)
à dompter l'écoulement lancinant des sentiments
qu'il génère chez l'auditeur -
compétence trop souvent dévolue au rock
indé US - nous rappelant les meilleurs ébats de
Michael Stipe et Peter Buck au sein de R.E.M.. Avec en
supplément d'âme, la prouesse, à
travers de si fragiles constructions, de défier sans cesse
la gravité. Excepté peut-être celle
lacrymale qui avec l'enchaînement de titres bouleversants
comme The War Zone et Sparks & Darkness (My Bloody Valentine)
ne peut sincèrement être combattue. Beau
à chialer ! Et ouais, on ne peut pas gagner à
chaque coup non plus !
Soyons honnêtes : ces
dernières années ont vu naître un
nombre impressionnant (voire aberrant) de formations hexagonales
folko-dépressives, saturant en moins de temps qu'il n'en
faut pour l'écrire une scène comptant pourtant
son lot de talents bruts. Du coup, lorsqu'on se retrouve face
à un desdits talents, il est de notre devoir de le mettre en
avant - ou du moins d'essayer.
Vous l'aurez compris, Gilles Deles aka Lunt fait partie de ces
compositeurs qui sortent du lot, capables de vous
émerveiller avec simplicité, de vous toucher avec
sincérité, de vous envoûter avec
talent. Du haut de ses neuf pistes, Switch the letters côtoie
ce qui se fait de mieux actuellement en matière de
songwriting et dévoile un véritable travail
d'orfèvre, où chaque note, chaque mot est
à sa place. Basée sur des mélodies
folk et - en apparence - simples, cette galette est
densifiée par des moments plus électriques
(Golden house V2), plus expérimentaux même (Split
my body), lui conférant une ambiance unique. Mais elle
n'oublie pas pour autant de livrer son lot d'émotion
(Happiness is transient (song for G.G.)) et d'émerveillement
(comme en atteste le sublimissime Golden house V1). Faisant montre
d'une intelligence de composition hors normes et sans jamais verser
dans le cliché, Lunt prouve avec brio que
dénuement et sobriété sont porteurs de
surprises indescriptibles, et livre une perle "folk" d'une justesse
incroyable.
En proposant ce nouvel effort de Lunt, We are unique! records reste
fidèle à son - irréprochable - ligne
de conduite, se montrant une nouvelle fois désireux de
sortir des sentiers battus. Et en l'occurrence, le sentier prend
plutôt l'allure d'un chemin perdu au milieu d'une
forêt d'accords rafinés, de chants
mélodieux et de compositions magiques.
Lunt? On a sorti la
pochette au hasard, il opine avec sérieux. On
écoute et là, on découvre un des
excellents disques de 2010. On ignorait alors que 2 semaines plus tard
Beauvallet en ferait le légitime hommage dans les Inrocks.
Comme on le comprend.
Lunt, c’est l’entité de Gilles Deles
lorsqu’il ne produit pas les albums de Angil ou
d’autres. Pas spécialement
obsédé par la renommée, il doit
être le seul musicien français signé
sur un label à ne pas avoir de myspace (reportez vous
au site du label). Confiance aux
disquaires alors, et à tous ceux, trop rares, qui vous le
recommandent (genre… nous ;-)
Troisième album de Lunt, Switch the letters met la barre
très haut. Il s’éloigne de
l’album sans titre de 2002 qui mélangeait
post-rock et slowcore (du grunge qui ne réveille pas les
voisins, en résumé).
Avec Switch the letters,
le toulousain nous embarque au crépuscule pour un disque
entre chien et loup. En 9 titres il déploie à son
rythme des morceaux aux ambiances fortes, prenantes. Intelligemment, il
prend acte de ses limites vocales pour rester à la bordure
du chant, ajoutant juste ce qu’il faut de chaleur et
d’épaisseur. Il y a du Smog là-dedans,
et beaucoup d’autres aspects qu’on vous souhaite de
découvrir à votre tour. Les uns entendront des
échos d’Elliott Smith, d’autres
penseront aux Pale fountains, ou aux harmonies vocales de Michael
Stipe. Il faut creuser pour arriver à ces
évocations, car c’est un songwriting classique qui
domine, avec une belle base guitare acoustique-batterie. On peut
être producteur et ne pas en rajouter.
On aborde en douceur
Golden house V2, folk-blues cousin de Sam Amidon (pour le chant haut
perché) qui après 2 mn évolue en douce
danse chamanique. Il aura suffi d’un titre pour nous faire
comprendre qu’on tient un de nos chouchous de
l’année. Where’s the revolution durcit
le ton par instants, le plaisir augmente.
Ne vous y trompez pas, Sparks and darkness (My bloody Valentine)
n’est pas une reprise, c’est bien le sous-titre de
la chanson, une superbe chanson d’ailleurs, qui rappelle la
première période d’Everything but the
girl ou le premier album solo de Tracey Thorn (d’ailleurs il
la chante en faisant penser au délicat Ben Watt).
C’est dire si, en fait de folk ou de blues, Lunt est avant
tout un superbe mélodiste et un créateur
d’ambiances (le piano languide de Switch the letters). A
votre tour de succomber
Rapido, histoire de ne pas rester atone face à un disque qui
vaut beaucoup plus que le silence. Lunt est français, m'a
été présenté par
Arbobo
et ressemble singulièrement à la meilleure
époque de SMOG (je dois bien dire que d'autres
référencements à Michael Stipe de REM
me laissent plus perplexes, sauf peut-être sur Where is The
Revolution). Entendez qu'il chante excellemment des titres nus
jusqu'à l'os, qu'il réussit -quasiment toujours-
à habiller d'un arrangement simple (au hasard, la clarinette
sur We Left With Whispers) qui les rend accrocheurs et nostalgiques en
diable. De la bien belle ouvrage.
Co-fondateur du label, Gilles Deles n’avait pas
sorti de long format, sous son pseudonyme Lunt, depuis neuf ans,
lorsque son album éponyme constituait la toute
première référence de We Are Unique
Records. Cependant, le moins qu’on puisse dire est que
pendant ce temps il n’est pas resté
inactif : outre le travail au sein du label, il a produit de
nombreux autres artistes , sans compter un bon paquet de
collaborations. Ce deuxième opus, "Switch the letters", est
une nouvelle preuve de la qualité exceptionnelle de la
scène folk française. Mais si en la
matière les influences sont les plus souvent
américaines, Deles se singularise lorsque sa musique explore
également d’autres chemins, plus
inattendus : ceux de The Beta Band ("Golden house" versions 1
et 2), ou encore de l’immense Mark Hollis. Et c’est
lorsqu’il convoque l’esprit du génie de
Talk Talk, enfermé depuis trop longtemps dans sa lampe, que
l’album est le plus précieux :
l’espace et le temps semblent appartenir à une
dimension inédite, car à la fois plus
étendus et intenses, lors de "Split my body" et surtout de
l’exceptionnel "The war zone", d’où
Deles et Hollis nous regardent de très haut, loin au-dessus
des nuages. Gilles, tu pourrais dire à Mark de revenir nous
voir de temps en temps ?
Gilles Deles, sous le nom de Lunt, joue depuis dix ans une pop
de chemins de traverse ; son neuvième disque s'ouvre sur un
titre acoustico-planant, qui peut rappeler The Beta Band par l'ambiance
et par la voix, proche de celle de Steve Mason. Deles travaille depuis
longtemps sur le son d'artistes au décalage
affirmé (Angil, Melatonine, Moonman, The John Venture...)
signés sur son label We Are Unique Records : Lunt profite
donc de toutes les ambiances, du folk progressif au post-rock lent et
grave, qu'il a contribué à mettre en forme en
tant que producteur. Radiohead, REM, The Beta Band, sont des groupes
auxquels on pense à l'écoute des longs titres de
Lunt, sortes de dérives conduites par une guitare acoustique
souvent jouée en accords ouverts ; "War zone" cherche le
silence entre les notes du côté de Mark Hollis /
Talk Talk. Toutefois, on ressent un certain manque d'incarnation (c'est
sans doute un effet collatéral du genre), qui nous
empêche d'accrocher complètement à
"Switch the letters".
Lunt construit un art musical ouvert au
noise et à l’abstract pop. Il prend son temps
avant de sortir un nouvel album. L’essentiel ne
s’improvise pas et c’est Switch The Letters,
œuvre secouante comme un séisme parvenu
à maturité.