albums
- you're not mad, you're just lonely
UR30 - 2012
DELPHINE DORA & HALF ASLEEP
membres
Delphine Dora
Valérie Leclercq
biographie
Lorsque Delphine Dora et Half Asleep se réunissent on contemple
une dualité faite d'étincelles. Les deux artistes ne se
sont jamais trahies, dans de déplorables compromissions, et la
collaboration déjà tentée lors d'une sortie sur
Greed Recordings avait montré ce que leurs univers respectifs
partagent. C'est donc pour un album concept sur la folie que les deux
jeunes femmes se retrouvent avec comme Guest Stars : Janet Frame, Robin
Cook, Samuel Beckett, entre autres et l'incontournable président
Schreber. Parmi leurs patients incurables : Thomas Boudineau au
trombone (the Hiddentracks, eUd), Dana Hilliot au mixage, un chien
facétieux couleur café ainsi que votre serviteur
autorisé pour quelque temps encore à écrire, en
attente d'une MDT (Musique sur Demande d'un Tiers).
Un rapide constat s'établit lors des premières
écoutes : la créativité est omniprésente
dans ces variations sur un même thème. Si ce disque a
été jusque là incompris c'est à cause de la
part d'élégance et de fantaisie que les deux artistes ont
amené afin de nous sauver de l'austérité qui
menace tout propos rationnel sur la déraison. Nietzsche n'est-il
pas plus fou dans sa philosophie du Gai Savoir que dans les
ténèbres de son Antéchrist ? Le mélomane
féru d'expérimentations en tout genre sera aussi
déçu par cet album car il est fait en majorité de
chansons. Et oui ! Il ne s'agissait pas de confondre inspiration sur la
folie avec l'écriture d'un pléonasme, ou avec une
interprétation au premier degré. Un psychanalyste
devrait-il s'excuser parcequ'il aura permis à certains
symptômes de disparaître ?
Plutôt que de poser d'emblée l'impossible quota d'une
altérité viciée par nos représentations,
cet album, fondamentalement cohérent dans ses divergences et
dans ses aspects chaotiques, propose de nous ramener sur les
territoires de la folie familière. Il s'agit ici de formuler un
mythe musical sans archétype, enseignement tiré par une
longue réflexion sur l'art brut ou sur l'histoire de la
psychiatrie. La folie nous pousse à une musique raisonnée
où l'outsider revient à la pop qu'il a pourtant
contestée. Pas de musico-pathologie en vue mais le minutieux
passage en revue d'exemples insaisissables. Plus que tout : ce disque
nous apprend que parfois ce sont les chansons qui nous écrivent,
sans angoisse, sans la violence du matraquage mais par la douce
rencontre avec les disques. Voilà peut-être le plus grand
enseignement à tirer d'une psychose musicale.
Gilles Deles